Insolites

Chaà�bia Talal, peintre naà�f et femme libre, militante du vrai

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Il est des êtres qui marquent avec force par leur existence décalée, leur parcours étonnant hors de toute logique sociale ou culturelle et leur unicité. Le Maroc est un pays où les artistes foisonnent, en témoigne les expositions nombreuses qui sont autant de vitrines vers l'imaginaire. Mais comme la mode est plutôt au sombre et au complexe, au diffus que l'on doit dénicher en prenant l'air entendu de celui qui comprend tout, le vulgum pecus, bien dressé à ne s'extasier que devant l'incompréhensible, n'apprécie pas que l'on dise, franchement et avec enthousiasme que l'on aime les œuvres de Chaïbia Talal.

Pourquoi ? Parce que les couleurs éclatantes de son univers sont loin d'être dans le ton, c'est plutôt le noir, le tout blanc ou le tout gris qui semble refléter la création dite intelligente. Alors évidement le jaune très jaune ou le vert très vert ça choque ! L'art naïf a longtemps été considéré comme très mineur, le genre qui ne pose pas de question existentielle et qui reste enfantin et simpliste.

Et pourtant, l'art naïf est en réalité et plus particulièrement chez Chaïbia Talal un mode d'expression fort, une peinture brute des travers humains, de ses souffrances et de ses solitudes. Cette femme, qui voit le jour dans un village qui n'a même jamais vu une vraie maison, est dès son plus jeune âge en décalage, on l'appelle d'ailleurs « la maboula ». Elle pousse, comme une herbe sauvage, dans un environnement totalement privé du beau par nécessité et de raisonnement par obligation à survivre au jour le jour. Comment l'esprit créateur, l'œil pointu et acerbe, le sentiment universel vont-ils naître chez cette petite fille privée de tout sauf de l'amour de la nature et des fleurs et de temps pour observer l'autre et y réfléchir. Les mystères de la distribution divine, peut-être…

Nous voilà devant une femme qui va dresser des portraits vrais et justes, les faire évoluer dans une société dure et peu charitable pour ses congénères et avec une force quasi primitive et instinctive nous donner à voir les dessous de l'âme humaine.

Chaïbia Talal a mis longtemps à être reconnu dans son propre pays, c'est l'Europe qui lui a offert la visibilité et une tribune pour son irréprochable sens du vrai. Ses œuvres sont aujourd'hui recherchées et prennent une valeur qu'elle n'aurait pas comprise, elle est morte, il y a quelques années, mais son message est plus que jamais actuel, dans ces contrées qui tentent timidement l'aventure de la liberté pour tous. Pour une fois acceptons que les idées puissent être véhiculées aussi par la couleur et par ce qui est vivant et vivace. Nous ne sommes pas exactement des purs esprits, loin de là, faisons simple, soyons candide et naïf. 

http://paris-marrakech.com/blog/femmes-peintres-du-maroc/

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