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Un tapis, un thé le temps qui passe

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Le Maroc n'a pas usurpé sa réputation, il est bien le pays de la bienvenue, de l'accueil chaleureux et des palabres qui resserrent les liens. Il suffit de peu, un tapis, du thé à la menthe fumant et un sourire. Pourquoi est-ce possible dans ce pays et impossible dans notre vieille Europe.
Tout simplement parce que le temps qui passe n'est pas le même ici qu'ailleurs. Le pas du berger qui parcours la montagne avec ses moutons, les femmes qui tissent sans relâche, le ferronnier qui frappe le métal ou le menuisier qui travaille une pièce de bois ont tous en commun une chose, ils ne comptent pas le temps, du moins ni en minutes ni en heures. Le rythme quotidien n'est jamais découpé par un quart d'heure ou une demi heure qui contraint à la presse sans trop savoir pourquoi. Ici ce sont les repas ou le soleil ou la lune qui vont déterminer si l'on doit ou non faire plus vite ou faire autrement.

Lorsque tout s'arrête pour un palabre c'est par gourmandise. La gourmandise du mot que l'on échange, des nouvelles que l'on transmet, des silences chargés de bonhomie, sans attente particulière si ce n'est le contact fraternel.
Cette manière de vivre, qui s'attenue aujourd'hui pour cause de modernité, est la résultante de coutumes ancestrales. Tout se devait d'être décidé autour d'un thé ou d'un repas. Les conciliabules se devaient longs et âpres, sous peine de n'être pas de vrais affaires sérieuses. Pendant les moussem, ces festivals populaires, ce qui compte le plus ce sont les palabres, les échanges d'informations, les nouvelles de familles lointaines, les rapprochements pour un mariage ou pour affaire et tout ce fait sur un tapis autour d'un thé ou d'un couscous. Parce que l'efficacité, la rapidité, le synthétique n'appartiennent pas à ce monde, le relationnel direct, le contact humain reste la valeur sure, le seul mode de fonctionnement. Le respect est aussi très important, plus on a d'affect ou admiration, plus le palabre doit être long, plus le thé est important, plus le repas copieux. Voilà ce que nous avons perdu, le temps n'est plus un étalon, seul l'échange compte.

Lorsque dans le souk un commerçant offre le thé, ce n'est pas pour retenir le client c'est pour le faire parler. Si d'aventure on s'assoie sur un petit tabouret dans un derb très fréquenté pour savourer ce breuvage national, le spectacle de la rue devient plus intense. Le commerçant, fier de son métier et de son pays, parle et raconte, il attend la même chose du client interloqué et peu habitué.
Le thé et le tapis sont les prétextes à se poser et à évoquer, l'anecdote comme l'histoire qui tient du conte valent d'être écoutée et savourée. Découvrir le Maroc, c'est apprendre à se détacher de l'heure qui passe, à ne concevoir le temps que dans la déambulation et le discours, dans la convivialité sans but et sans raison, hors la rationalité.
La moindre oasis perdue aux confins du désert vous accueille de la même manière. Mal vous en prend de ne pas accepter l'hospitalité du chef de village, qui préside sur son tapis et entend apprendre de vous le monde, ce grand monde qui lui reste étranger mais qui est source de rire, sourire et découverte. Le tajine de légumes est simple, mais les cœurs sont ouverts. Ce Maroc là demande à être déniché avant de disparaître.

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